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CCC 2010 : Comment Changer de Catégorie… (98,5km – 5600D+)

Tout est dans le titre. Ou presque.

La CCC 2010, c’est ma dernière course de la saison, la dernière dans la catégorie Espoir, mais surtout ma première course vraiment ultra puisque je n’avais jamais dépassé les 55 kilomètres de distance. L’occasion de rentrer dans la grande famille de l’UTMB et dans le cercle de moins en moins fermé des finishers des courses extrêmes de montagne.

Avant la course : 

Juillet a été mon plus gros mois d’entraînement de la saison. Août, mon plus léger. Plus ou moins par choix (départ en Norvège), je me suis accordé deux semaines de repos complet les quinze premiers jours d’août.
J’ai repris l’entraînement à J-10 sur les tortueux sentiers norvégiens et pu ainsi courir quelques heures avant mon retour en France.

Dur dur de se mettre en rythme de préparation de course au beau milieu de ma semaine d’intégration à la fac en Norvège…. 2 jours de grosse fièvre m’inquiètent un peu et je décolle le mercredi matin de Bergen sans trop savoir dans quelle condition physique je me trouve.

Quelques heures de vol plus tard, je retrouve Alex à Genève, qui à partir de ce moment là gère à merveille mon assistance et ma préparation jusqu’à mon arrivée à Chamonix samedi matin à 2h30… Mais on y reviendra.

Jeudi, la fièvre est toujours là. Petit footing d’une heure. Les jambes répondent bien… On file donc récupérer le dossard à Chamonix pour le lendemain.

C’ets là que la course commence? Ah, je croyais en voyant tout le monde arriver en tenue de course, sac arnaché et lacets serrés… Je ne comprendrais décidément jamais cette manie de vouloir se montrer à tout prix la veille de l’évènement… L’UTMB, c’est aussi un processus fastidieux de signatures de décharges, remise de puce, dossard, cadeaux, sacs coureurs. Pas forcément tout ce dont je raffole, mais j’ai signé pour ça…

Mon équipe d’assistance grandit et Clémence se joint à l’équipe de direction d’écurie… Le jeudi aprem, c’est détente, préparation des sacs de ravitaillement ET conception du gobelet prototypé (Oui, il faut un gobelet pour courir, protégeons l’environnement…).

LE prototype de gobelet McDo, unique dans le peloton

Vendredi matin, 4ème nuit avec de la fièvre. Le réveil sonne à 5h50 mais je suis déjà complètement éveillé. La pression monte…

Alex m’accompagne jusqu’à Courmayeur pour prendre le départ. L’attente est très très longue donc on se pose en terrasse pour boire un café et affiner les préparatifs.

Je me place sur la ligne pour être dans les premiers au départ. La météo, déjà annoncé mauvaise, se dégrade progressivement… Tout le monde sort le K-Way. Je reste en T-shirt, persuadé que j’aurai trop chaud trop vite. La suite me donnera raison.

Vient le moment des hymnes. L’émotion est forte, j’attends ce moment depuis des mois en rêve depuis 2 ans. Le top départ est donné et la meute s’élance dans les rues joyeuses de Courmayeur. Les Bravi Bravi sont nombreux malgré le déluge. je cherche Alex des yeux mais ne le trouve pas. Tant pis. Je sais maintenant que je suis seul jusqu’à Champex.



Courmyeur – Champex – Chamonix : 98km / 5600D+

Ca part vite, un peu trop à mon goût. On passe devant le café du Finivie où Lou m’encourage. Déjà les premiers arrêts pipi et déshabillage. A croire que certains n’ont jamais couru avec un imper…

La première montée vers Bertone calme un peu les ardeurs de tout le monde. J’y arrive en 1h30. J’ai mal aux jambes, je ne suis vraiment pas au mieux. Cette journée va être un combat, je le sais. La notion de plaisir est pour l’instant très loin au milieu de cette masse silencieuse.

Direction la Tête de la Tronche, point culminant du parcours à presque 2600m. C’est raide, ça me convient bien et je commence à terminer mon tour de chauffe. Je lâche les chevaux dans la descente et aborde une portino que je connais par coeur jusqu’au Grand Col Ferret.

On passe à Bonatti, deuxième ravito. Je prends le temps de m’arrêter. Puis ça continue… Superbes paysages après le refuge, et le soleil est de retour. Je commence à me faire plaisir et je gagne beaucoup de places sans pouvoir évaluer mon classement. Peu importe, je fais une course d’attente jusqu’à Champex, jamais dans le rouge.

Arrivée sur Arnuva

Le ravitaillement à Arnuva est extraordinaire. Des centaines de gens sont au bord du chemin. Je n’ai jamais vécu ça et j’en profite. Nouvelle pause de 5 minutes au ravito. J’en suis à 28km et 3h30 de course.

J’enchaine par une montée d’enfer au Grand Col Ferret dans laquelle je gagne 20 places. A la descente, ça se complique… Je ne connais plus le parcours jusqu’à Champex et les premières crampes arrivent. J’essaie de boire au maximum et je gère en perdant pas mal de places. La descente sur la Fouly est longue et peu intéressante avec beaucoup de portions goudronnées.

Descente du Grand Col Ferret

La Fouly justement : 5h35 de course. Le premier marathon est bouclé. Le moral reste au top en pensant que dans un peu plu de 10 bornes une nouvelle course commence assisté par mon équipe de choc.

Après la Fouly, ça descend encore et toujours et je ne parviens pas bien à dérouler. Heureusement, je suis très à l’aise dans la montée vers Champex, même si les crampes sont de plus en plus menaçantes.

Enfin, j’y arrive, 55km et 3100D+ en 7h15 (soit 1h d’avance sur notre planning). Comme prévu, l’équipe est là, Alex est survolté. J’apprends que je suis 5ème espoir et que les mecs devant vont très très vite. A partir de ce moment, j’abandonne tout espoir de podium.

Je change chaussures, chaussettes et T-shirt. Etirements, hydratation, nourriture. 25 minutes plus tard, je repars tel le Michael Shumacher sortant des stands à la grande époque.

Un bout de faux-plat et arrive la montée vers Bovine dont tout le monde m’a parlé. C’est dur, très raide dans les blocs et les ruisseaux et ce qui aurait pu être juste un moment difficile devient un véritable challenge après plus de 60 km. Heureusement, je suis toujours autant à l’aise en montée.

Le sommet est glacial. La nuit arrive, il y a de plus en plus de vent, et bien sur il pleut toujours. Au moment de basculer au sommet, je ne peux plus avancer, les cuisses tétanisées par les crampes. Je dois m’accroupir quelques minutes, seul moyen possible pour m’étirer.

Descente vers Trient dans le brouillard, je suis au plus mal. C’est peut être le seul moment où je pense à mettre un terme à la souffrance. Mon ego et le mal que se donnent Alex et Clémence pour me suivre chassent vite cette pensée. Je refroidis vite au ravito et la pluie redouble d’intensité. C’est très dur de repartir en voyant quelques concurrents abandonner, vaincus par la fatigue et les éléments.

Déjà 10h30 de course… J’allume la frontale, enfile une couche de plus et me lance à l’assaut de la nuit pour affronter les 2000 derniers mètres de dénivelé.

Renaissance.

De façon très surprenante, je retrouve des forces dans la montée vers Catogne et emmène quelques coureurs.  Le passage au sommet est dantesque. Vent violent et froid. Je suis mieux. Je cours toute la descente en gagnant beaucoup de places. Le retour en France me donne des ailes.

J’arrive à Vallorcine survolté, pressé d’en finir et contrastant avec pas mal de participants qui semblent au plus mal. J’apprends que l’UTMB est annulé et suis encore assez lucide pour imaginer le merdier que ça doit être de l’autre côté de la vallée.

Vite, vite, je file au Col des Montets. J’ai toujours une heure d’avance sur mon planning, ce qui me laisse espérer un final en moins de 16h. Boosté et sur mon terrain de prédilection, j’enfile les épingles de la montée du Lac Blanc en doublant un nombre incalculable de silhouettes recroquevillées sur leurs bâtons.

Tête aux Vents. Elle n’a jamais aussi bien porté son nom. Il reste 10km… Je sais que je vais finir et une douce euphorie m’envahit. La traversée jusqu’à la Flégère est la dernière difficulté mais pas des moindres. Le terrain est très piégeux, et le brouillard parfois difficile à percer avec la frontale.

Enfin, la Flégère. Là, j’ai reçu dans la traversée. Je suis obligé de faire une pause au ravito et perds le bénéfice de beaucoup de places gagnées dans la montée. L’infirmière me regarde et me demande 4 fois si ça va. Je dois pas être beau à voir.

Je repars, incapable de courir et entame la descente tant redoutée. Chaque foulée est une lutte. Je me fais doubler mais je ne peux pas lutter. Au milieu de la descente, une apparition divine est là. Lolo, tout juste rentré de vacances, est monté tel le bobet moyen à 23m/min à 2h du matin pour m’accompagner sur la fin.

C’est génial. Il me fait courir jusqu’à l’entrée de la ville. Alex est là aussi et filme l’arrivée. Je sprinte à peut-être 15km/h. Je me demande encore comment mes jambes ont pu produire un tel effort à ce moment là.

Et puis ça y est, je franchis la ligne. 16h32. 98ème me dit-on. 45 minutes de moins que prévu. Je suis presque fâché car la course s’est courue 30 minutes plus vite que l’an dernier. Je suis dans un autre monde. J’entends des voix qui résonnent très loin. On me remet la polaire de finisher. Je fais désormais partie de la grande famille mais je ne réalise pas. J’ai simplement du mal à croire que tout s’arrête, qu’il ne faut pas repartir de nouveau.

On ne s’attarde pas. Tout le monde est fatigué (et ma pâleur fait peur à posteriori sur les photos!). Clémence et Alex ont passé une journée de fou, sous la pluie comme moi, et leur performance a été tout aussi dignue que la mienne. La suite est moins rose. Une fois la pression retombée, les nausées arrivent. La nuit est dure. Parti malade, je ne me suis pas arrangé…

Une petite vidéo pour résumer les évènements :

L’après : 

Outre les courbatures, pas de bobos, premier point positif. Pas de soucis digestifs pendant la course non plus…

Je réalise le lendemain ce que j’ai fait, avec une bonne dose de fierté. Je découvre avec plaisir tous les messages reçus, et même si je n’ai pas répondu à tout le monde, merci à tous ceux qui m’ont suivi…

Un énorme merci à Alex (pour les photos et vidéos aussi!), dont le dévouement a été bluffant pendant le week end et sans qui je n’aurais certainement jamais vu Chamonix. A Clémence aussi, pour m’avoir suivi et assisté toute la course. Et à Lolo, pour ces derniers kilomètres inoubliables et ces dizaines de sorties qui m’ont forgé le caractère et m’ont convaincu que c’était possible.

Puisqu’on est dans les remerciements, un grand merci à Salomon pour tout le matériel dont j’ai pu profiter, qui m’a permis de m’entraîner et d’avoir un équipement au top le jour J!

Je découvre que seulement 450 coureurs ont rallié l’arrivée et que le beau mythe de l’UTMB s’est bien fissuré en ce week end pluvieux. L’UTMB, c’est une ambiance extraordinaire. Mais beacuoup de contraintes pour les coureurs aussi, pour assurer leur sacro-sainte sécurité. A voir pour une prochaine participation donc…

Qu’importe, j’ai réussi mon pari. 15 mois après mon premier entraînement en trail (et 2 ans et demi après mes premières séances de course à pied), j’ai réussi à atteindre cet objectif que beaucoup m’avaient déconseillé. Presque naturellement… J’ai l’impression d’avoir été simplement constant pendant la course, que j’aurais pu donner plus…

En fait, je m’en fous. Le seul regret reste le podium, raté pour 10 minuscules minutes finalement. Même si j’ai peu ressenti cette sensation d’euphorie que beaucoup décrivent et que cela s’est plus apparenté à un combat, c’est avec le sourire que j’ai écrit cet article, de retour en Norvège.

Mais peu importe, la porte est ouverte pour de nouveaux rêves, encore plus insensés. Et c’est bien le principal.

Stay tuned!
Timoth

3 Responses

  1. Très beau récit !
    Félicitations ! Enorme performance parce que les conditions étaient infernales.
    Je suis moi-même trailer mais plutôt du genre dernier du peloton, et je trouve magnifique que du premier (comme toi) au dernier les sensations sont quasi les mêmes : des moments de plaisir, de doute, de douleur, de bonheur, … que de moments merveilleux ! J'ai ressenti comme toi (je l'ai faite l'année dernière) lors de l'arrivée : une espèce d'envie de repartir, de recommencer tellement le plaisir est intense !

    Tu as probablement du me doubler dans la montée de Bovine, j'étais avec una autre personne, nous avions des gros sacs de montagne avec la tente, et tout le tralala !

    En tout cas, félicitations et à bientôt sur d'autres courses !

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